Àprès l’action concertée des banques centrales pour favoriser les prêts en dollars le 30 novembre dernier (voir mon texte), la Banque centrale européenne (BCE) a porté un grand coup mercredi en prêtant aux banques européennes, contre collatéral, 489 milliards d’euros pour trois ans à un taux de 1%. L’injection nette de liquidités s’élève cependant à 235 milliards d’euros, car 250 milliards d’emprunts à la Banque centrale venaient à échéance en même temps. Le total des prêts de la BCE aux banques se situe maintenant à 1 billion d’euros et une autre opération semblable est prévue pour le mois de février 2012.
Même si la BCE ne veut pas être le prêteur de dernier ressort pour les pays d’Europe, elle désire clairement jouer à plein son rôle de prêteur de dernier ressort pour les banques, tout comme la Fed l’avait fait lors de la crise de 2008-2009.
Il est probable que la majorité de ces prêts soient allés aux banques de la périphérie. En effet, les déséquilibres entre les banques de la périphérie et ceux de l’Allemagne sont évidents, comme le montre ce graphique des besoins de financement, auprès de la BCE, des banques de la périphérie – Grèce, Irlande, Portugal, Espagne et Italie:
Source: Federal Reserve Bank of New York
Ces pays de la périphérie n’arrivent plus à financer les déficits de leur compte courant depuis 2008 et les marchés sont effectivement fermés pour plusieurs de leurs banques. La BCE compense donc en injectant des liquidités et laissant monter son passif pour remplacer les investisseurs et déposants qui font la grève – qu’ils soient des caisses de retraite, fonds mutuels, d’autres banques ou des déposants grecs. Voici l’évolution extraordinaire du bilan de la BCE:
Source: Estimations du Financial Times
Les banques européennes devront de plus refinancer la somme énorme de 600 milliards d’euros en 2012, dont 230 milliards au premier trimestre. En injectant ces liquidités, on évite des ventes de feu d’actifs, incluant les titres souverains détenus par les banques. Il est intéressant de noter qu’après cette action extraordinaire de la BCE, les dépôts des banques auprès de la BCE ont augmenté de 133 milliards d’euros (donc 57% de l’injection nette des liquidités). Cela démontre que les banques ont besoin de cet argent pour leurs propres besoins de financement et qu’elles hésitent à les placer auprès des autres banques. Peu de ce nouvel argent servira pour l’instant à acheter des titres souverains, malgré l’espoir du président Sarkozy. Le rendement des obligations italiennes continuent en effet de se rapprocher des 7% malgré ces nouvelles liquidités.
La BCE joue à plein son rôle de prêteur de dernier ressort pour le système financier, nécessaire depuis que le financement des banques soit devenu très difficile depuis l’été 2011. Cette action est un signe important que les banques dépendent de plus en plus de la BCE pour leur financement. Mais on évite ainsi la possibilité de faillites et une contraction trop grande du crédit.
Cette action permet d’éliminer le risque systémique qui pèse sur le système bancaire européen mais les problèmes des dettes souveraines et de croissance économique demeurent entiers. Cette action de la BCE permet de gagner du temps, mais la solution de la crise européenne se trouve auprès de la classe politique qui doit favoriser l’intégration fiscale et politique au niveau européen, ainsi que les mesures qui améliorent la compétitivité.
Je vous souhaite de passer de joyeuses fêtes!
Un article trés clair et trés utile, comme toujours. Mais il me semble que vous êtes trop discret sur la situation d’ensemble.
“Cette action de la BCE permet de gagner du temps, mais la solution de la crise européenne se trouve auprès de la classe politique” écrivez-vous, mais après avoir indiqué que les banques hésitaient à se prêter entre elles, et que la BCE seule permettait aux banques périphériques de garder la tête hors de l’eau…. pour combien de temps?
Vous indiquez aussi que bien peu de l’argent prêté par la BEC ira vers les titres souverains. Ainsi plusieurs banques sont insolvables, sauf perfusion aux urgences et les dettes souveraines ont de plus en plus de mal à rouler.
Quant à la solution qu’apporteront les politiques, ne pensez-vous pas qu’elle consistera à prolonger le système financier tel qu’il est, à modérer la rigueur pour ne pas nuire aux chances de réélection des uns des autres ? Sans compter que le temps de la politique n’est pas celui des marchés.
Nous assistons au renforcement d’une série de crises, dont les dynamiques sont différentes et pourtant intereliées. Une récession déflationniste me paraît envisageable.
Je souhaite à chacun de bien profiter de ce Noël 2011, car 2011 s’annonce difficile.
oups… 2012 s’annonce difficile. Excusez-moi
Bonjour,
Je cherche à comprendre le processus de bout en bout.
cas des banques:
en passif elles ont des capitaux propres, des emprunts, des dépôts, en actifs des titres actions, obligations, des créances
Par suite de perte de confiance, annulation de dettes souveraines, faillites de clients, le cours des actions baisse, les créances sont irrecouvrables donc l’actif baisse.
Comme la banque a des emprunts à rembourser, qu’éventuellement elle doit rendre des dépôts, il apparait un besoin de financement: en simplifiant les remboursements d’emprunt qu’elle reçoit ne couvre plus ceux qu’elle doit.
Selon ma compréhension ce serait donc l’ensemble de ces besoins de financement qui aurait fait l’objet d’un premier sauvetage déjà en 2009 par l’état français par exemple, et que la BCE renouvellerait cette fois-ci.
Et d’où la BCE tire-t-elle ces montants? De sa trésorerie? Elle a des réserves? Elle emprunte au FMI? Est-ce de la création de monnaie? Est-ce le respect de ratio de solvabilité qui pousse à ces refinancements?
Est-ce que la baisse d’activité globale est si grande que cela que les défaillances dépassent une certaine normalité prise en compte par les niveaux habituels de provisions?
Comment enraillé le phénomène?
Merci par avance du temps que vous prendriez pour répondre à ces questions.
Bonjour M. Pelletier,
La vulnérabilité des banques européennes provient du fait que le ratio des actifs en prêts par rapport au capital est très élevé. Ces banques sont donc vulnérables aux aléas du financement par dépôts ou dans les marchés financiers. Avec la crise de la dette souveraine, ces banques européennes ont beaucoup de difficultés à se financer auprès des investisseurs et des autres banques. La grande exposition des banques au risque de dette souveraine crée un crise de confiance du sytème financier européen.
La Banque centrale européenne doit donc intervenir pour aider le financement de ces banques en leur prêtant des euros contre collatéral (essentiellement des titres souverains et prêts commerciaux). L’argent de la BCE est crée de toute pièce, mais devrait disparaître en principe lorsque ces prêts seront remboursés.
J’espère que je réponds à vos questions.
Laurent Desbois
Ces interventions des banques centrales ont en effet des bénéfices mais aussi des coûts. J’ai voulu m’en tenir dans ce texte aux motivations et objectifs de la BCE et de la Fed. Il est indéniable que les conséquences possibles sont importantes: le manque à gagner sur les intérêts causé par cette politique fortement expansionniste; le risque de voir l’inflation éventuelement progresser trop rapidement, soit par la montée des prix des matières premières par la spéculation ou par une hausse importante des anticipations inflationnistes; ou par la baisse du dollar américain qui peut causer une guerre de devises ou pire du protectionnisme.
Les banques centrales sont les premières à reconnaître, il me semble, que leur politique n’est pas une solution à tous les problèmes. Sans volonté politique en Europe pour assainir les finances publiques et pour établir une vraie fédération européenne, l’euro ne survivra pas. Sans cette même volonté politique aux Etats-Unis pour réduire la dette à long terme, tout en investissant dans les infrastructures, l’économie progressera difficilement. Dans cette éventualité, les actions des banques centrales auront été des feux de paille qui n’ont peut-être fait qu’empirer les choses.